Yves Bonnefoy | Cuatro Poemas

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Traducción del francés de Luis Alberto Vittor
Universidad Argentina John F. Kennedy

© 2014 Luis Alberto Vittor - Analecta Literaria







1. LE LIVRE, POUR VIEILLIR

Étoiles transhumantes; et le berger
Voûté sur le bonheur terrestre; et tant de paix
Comme ce cri d'insecte, irrégulier,
Qu'un dieu pauvre façonne. Le silence
Est monté de ton livre vers ton coeur.
Un vent bouge sans bruit dans les bruits du monde.
Le temps sourit au loin, de cesser d'être.
Simples dans le verger sont les fruits mûrs.

Tu vieilliras
Et, te décolorant dans la couleur des arbres,
Faisant ombre plus lente sur le mur,
Etant, et d'âme en fin, la terre menacée,
Tu reprendras le livre à la page laissée,
Tu diras, C'étaient done les derniers mots obscures.


1. EL LIBRO, PARA ENVEJECER 

Estrellas errantes; y el pastor
Abovedado sobre la felicidad terrestre; y mucha paz
Como ese chirrido del insecto, irregular,
Que un Dios pobre modela. El silencio
Subió desde tu libro hacia tu corazón.
Un viento sin ruido se mueve entre los ruidos del mundo.
Lejos sonríe el tiempo, para dejar de existir.
Sencillos en el huerto son los frutos maduros.

Envejecerás
Y, desteñido como el color de los árboles,
Harás la sombra más lenta sobre el muro,
Estando, y el alma en definitiva, la tierra amenazada,
Retomarás el libro en la página dejada,
Dirás: esas eran las últimas palabras obscuras.



2. L'IMPERFECTION EST LA CIME

Il y avait qu'il fallait détruire et détruire et détruire,
Il y avait que le salut n'est qu'à ce prix.

Ruiner la face nue qui monte dans le marbre,
Marteler toute forme de beauté.

Aimer la perfection parce qu'elle est le seuil,
Mais la nier sitôt connue, l'oublier morte,

L'imperfection est la cime.


2. LA IMPERFECCIÓN ES LA CIMA

Sería necesario destruir y destruir y destruir,
Sería necesario que la salvación sea posible a ese precio.

Arruinar el rostro desnudo que surge en el mármol,
Martillar toda forma de belleza.

Amar la perfección porque ella es el umbral,
Más negarla una vez conocida, olvidarla muerta

La imperfección es la cima.


3. LA SEULE ROSE


I


Il neige, c'est revenir dans une ville
Où, et je le découvre en avançant
Au hasard dans des rues qui toutes sont vides,
J'aurais vécu heureux une autre enfance.
Sous les flocons j'aperçois des façades
Qui ont beauté plus que rien de ce monde.
Seuls parmi nous Alberti puis San Gallo
A San Biagio, dans la salle la plus intense
Qu'ait bâtie le désir, ont approché
De cette perfection, de cette absence.

Et je regarde donc, avidement,
Ces masses que la neige me dérobe.
Je recherche surtout, dans la blancheur
Errante, ces frontons que je vois qui montent
A un plus haut niveau de l'apparence.
Ils déchirent la brume, c'est comme si
D'une main délivrée de la pesanteur
L'architecte d'ici avait fait vivre
D'un seul grand trait floral
La forme que voulait de siècle en siècle
La douleur d'être né dans la matière.


II


Et là-haut je ne sais si c'est la vie
Encore, ou la joie seule, qui se détache
Sur ce ciel qui n'est plus de notre monde.
Ô bâtisseurs
Non tant d'un lieu que d'un regain de l'espérance,
Qu'y a-t-il au secret de ces parois
Qui devant moi s'écartent ? Ce que je vois
Le long des murs, ce sont des niches vides,
Des pleins et des délies, d'où s'évapore
Par la grâce des nombres
Le poids de la naissance dans l'exil,
Mais de la neige s'y est mise et s'y entasse,
Je m'approche de l'une d'elles, la plus basse,
Je fais tomber un peu de sa lumière,
Et soudain c'est le pré de mes dix ans,
Les abeilles bourdonnent,
Ce que j'ai dans mes mains, ces fleurs, ces ombres,
Est-ce presque du miel, est-ce de la neige?


III


J'avance alors, jusque sous l'arche d'une porte.
Les flocons tourbillonnent, effaçant
La limite entre le dehors et cette salle
Où des lampes sont allumées : mais elles-mêmes
Une sorte de neige, qui hésite
Entre le haut, le bas, dans cette nuit.
C'est comme si j'étais sur un second seuil.

Et au-delà ce même bruit d'abeilles
Dans le bruit de la neige. Ce que disaient
Les abeilles sans nombre de l'été,
Semble le refléter l'infini des lampes.

Et je voudrais
Courir, comme du temps de l'abeille, cherchant
Du pied la balle souple, car peut-être
Je dors, et rêve, et vais par les chemins d'enfance.


IV

Mais ce que je regarde, c'est de la neige
Durcie, qui s'est glissée sur le dallage
Et s'accumule aux bases des colonnes
A gauche, à droite, et loin devant dans la pénombre.
Absurdement je n'ai d'yeux que pour l'arc
Que cette boue dessine sur la pierre.
J'attache ma pensée à ce qui n'a
Pas de nom, pas de sens. Ô mes amis,
Alberti, Brunelleschi, San Gallo,
Palladio qui fais signe de l'autre rive,
Je ne vous trahis pas, cependant, j'avance,
La forme la plus pure reste celle
Qu'a pénétrée la brume qui s'efface,
La neige piétinée est la seule rose.


3. LA ÚNICA ROSA


I

Esta nieve cae de vuelta en la ciudad
Donde, y lo descubro al avanzar
Al azar por las calles vacías,
He vivido otra infancia feliz.
Bajo los copos me percato que las fachadas
Son lo más bello que hay en el mundo.
Sólo entre Alberti y San Gallo
En San Biagio, en el salón más intenso
Que construyó el deseo, se acercaron
A esta perfección, a esta ausencia.

Y por tanto yo miro, ávidamente,
Esas masas que me sustrae la nieve.
Busco sobretodo, en la blancura
Errante, esos frontones que se alzan
A un más alto nivel de la apariencia,
Desgarrando la bruma, como si
Por un lado, entregado a la gravedad,
El arquitecto de aquí hubiese hecho vivir
De un solo, gran trazo floral,
La forma que quería, siglo a siglo,
El dolor de haber nacido en la materia.

II

Y allá arriba, no sé si eso es la vida
Aún, o sólo la alegría que resalta
En ese cielo que no es ya de nuestro mundo.
Oh constructores
No tanto de un lugar como de un renacer de la esperanza,
¿Qué hay en el secreto de esas paredes
Que ante mí se aparta? Lo que veo
A lo largo de los muros, son nichos vacíos,
Trazos finos y gruesos que, por la gracia
De los números, se esfuma
El peso del nacer en el exilio,
Pero la nieve en ellos se acumula,
A uno de ellos me acerco, el más bajo,
Hago caer un poco de su luz,
De repente en el prado de mis diez años,
Donde zumban abejas,
Lo que tengo en mis manos, esas flores y sombras,
¿Es casi miel, acaso? ¿Es un poco de nieve?

III

Avanzo entonces hasta el arco de una puerta.
Los copos danzan en el aire, borrando
el límite entre el exterior y este salón
de lámparas encendidas: son ellas mismas
una suerte de nieve que vacila
entre lo alto, lo bajo, en esta noche.
Es como si estuviese ante un segundo umbral.

Y más allá un parecido ruido de abejas
en el sonido de la nieve. Lo que decían
Las innumerables abejas del verano,
Parece reflejarlo el infinito de las lámparas.

Y yo querría
correr, como en los tiempos de la abeja, buscando
con el pie el balón blando, porque a lo mejor
duermo y sueño, y voy por los caminos de la infancia.

IV

Pero lo que miro es un poco de nieve
endurecida, que resbala en el embaldosado
y se acumula sobre la base de las columnas
a la izquierda, a la derecha, y que se interna en la penumbra.
Absurdamente sólo tengo ojos para el arco
que este lodo dibuja en la piedra.
Uno mi pensamiento a lo que no
tiene nombre, ni sentido. Oh amigos míos,
Alberti, San Gallo, Brunelleschi,
Palladio que hacen señas desde el otro lado,
No voy a traicionarlos, sin embargo, avanzo,
La forma más pura es aún aquella
Que adentrada en la bruma se esfuma,
La nieve pisoteada es la única rosa.


4. NOLI ME TANGERE

Hésite le flocon dans le ciel bleu
A nouveau, le dernier flocon de la grande neige.

Et c'est comme entrerait au jardin celle qui
Avait bien dû rêver ce qui pourrait être,
Ce regard, ce dieu simple, sans souvenir
Du tombeau, sans pensée que le bonheur,
Sans avenir
Que sa dissipation dans le bleu du monde.

«Non, ne me touche pas», lui dirait-il,
Mais même dire non serait de la lumière.


4. NOLI ME TANGERE

Vacila el copo de nieve en el cielo azul
De nuevo, el último copo de la gran nevada.

Y es como si entrase en el jardín aquella que
Bien había soñado lo que podría ser,
Esa mirada, ese dios simple, sin memoria
De la tumba, sin más pensamiento que la dicha,
Sin otro porvenir
Que su disipación en el azul del mundo.

«No, no me toques», le diría él,
Pero hasta el decir no sería luminoso.




YVES BONNEFOY, Escritor, poeta, crítico de arte y ensayista francés, nacido en Tours, Indre y Loira, Francia, el 24 de junio de 1923. Heredero de la tradición surrealista, está considerado como  uno de los grandes poetas franceses del siglo XX. Obra Publicada: Poesía y relatos: Traité du pianiste, 1946; Du mouvement et de l'immobilité de Douve, 1953; Hier régnant désert, 1958; Anti-Platon, 1953; Pierre écrite, 1965; L'Arrière-pays, 1971;  Dans le leurre du seuil, 1975;  Rue Traversière, 1977;  Poèmes (1947–1975), 1978; Entretiens sur la poésie, 1980; Ce qui fut sans lumière, 1987; Récits en rêve, 1987;  Début et fin de neige, con Là où retombe la flèche, 1991; La vie errante, con Une autre époque de l'écriture, 1993; L'encore aveugle, 1997;  La Pluie d'été, 1999; Le  théâtre des enfants, 2001; Le cœur-espace, 2001; Les planches courbes, 2001; La longue chaine de l'ancre, 2008. Ensayos y prosas: Peintures murales de la France gothique, 1954; Dessin, couleur, lumière, 1995; L'Improbable, 1959;  Arthur Rimbaud, 1961; La seconde simplicité, 1961; Un rêve fait à Mantoue, 1967; Rome, 1630: l'horizon du premier baroque, 1970; Miró, 1970; L'Ordalie, 1975; Le Nuage rouge, 1977; Trois remarques sur la couleur, 1977; L'Improbable, con Un rêve fait à Mantoue, 1980; Dictionnaire des mythologies et des religions des sociétés. traditionnelles et du monde antique, 1981; La présence et l'image, 1983; La vérité sur parole, 1988; Sur un sculpteur et des peintres, 1989; Entretiens sur la poésie, 1972-1990; Alberto Giacometti, Biographie d'une œuvre, 1991; Aléchinsky, les traversées, 1992; Remarques sur le dessin, 1993; Palézieux, 1994; La Vérité de parole, 1995; Dessin, couleur et lumière, 1999; La Journée d'Alexandre Hollan, 1995; Théâtre et poésie: Shakespeare et Yeats, 1998; Lieux et destins de l'image, 1999; La Communauté des traducteurs, 2000; Baudelaire: la tentation de l’oubli, 2000; L'Enseignement et l'exemple de Leopardi, 2001; André Breton à l'avant de soi, 2001; Poésie et architecture, 2001; Sous l'horizon du langage, 2002; Remarques sur le regard, 2002; La Hantise du ptyx, 2003; Le Poète et «le flot mouvant des multitudes», 2003; Le Nom du roi d'Asiné, 2003; L'Arbre au-delà des images, Alexandre Holan. 2003; Goya, Baudelaire et la poésie, 2004, con textos de Jean Starobinski; Feuilée, con el artista Gérard Titus-Carmel, 2004; Le Sommeil de personne, 2004; Assentiments et partages, 2004, exposición en el Musée des Beaux-Arts de Tours; L'Imaginaire métaphysique, 2006; Goya, les peintures noires, 2006; La stratégie de l'énigme, 2006; Dans un débris de miroir, 2006; L'Alliance de la poésie et de la musique, 2007; Ce qui alarma Paul Celan, 2007; La Poésie à voix haute, La Ligne d'ombre, 2007; L'amitié et la réflexion, 2007; André Mason, la liberté de l'esprit, 2007; Le grand espace, 2008; Notre besoin de Rimbaud, 2009; Deux Scènes, 2009; Pensées d'étoffe ou d'argile, 2010; Genève, 1993, 2010; L'inachevable, 2010;  Raturer outre, 2010; Le lieu d'herbes, 2010; Le siècle où la parole a été la victime, 2010.
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